Sport

Mondiaux: Le succès sans prétention ni limites de Ditaji Kambundji

12.12.2025 04h00

Mondiaux: Le succès sans prétention ni limites de Ditaji Kambundji

La championne du monde 2025 du 100 m haies Ditaji Kambundji à l'isse de son entraînement, le 10 décembre 2026.

Photo: KEYSTONE/PETER KLAUNZER

Ditaji Kambundji a accordé une interview à Keystone-ATS sur le tartan de l'anneau d'athlétisme du Wankdorf. Peu avant, la championne du monde bernoise du 100 m haies s'y entraînait parmi les anonymes.

- Ditaji Kambundji, vous êtes entrée dans l'histoire de l'athlétisme national en septembre à Tokyo en remportant le titre de championne du monde du 100 m haies. Jamais auparavant une Suissesse n'avait été gagnée l'or dans ce sport. Est-ce que cela a changé quelque chose pour vous ?

'Je dis toujours oui et non. Pour moi, c'est clairement le plus grand moment de ma carrière sportive. J'ai atteint un objectif que je m'étais fixé. Je suis curieuse de voir ce que cela va donner lorsque je retournerai en compétition, car je serai probablement moins sous-estimée l'année prochaine. Au quotidien, on revient vite à la vie normale. L'entraînement est toujours aussi strict et le restera.'

- Avez-vous reçu des réactions de stars internationales après votre triomphe ?

'Il y avait beaucoup de personnalités du monde du sport qui étaient émues. En zone mixte, j'ai vu Sally Pearson (la championne olympique 2012 du 100 m haies), qui m'a rapidement serré dans ses bras - je ne l'avais jamais vu auparavant. C'était assez spécial.'

- On vous reconnaît désormais sans doute partout en Suisse, est-ce parfois pénible ?

'Ici, les gens sont très réservés. Et les rares interactions sont toujours très positives. Il y a des personnes qui viennent me voir et me disent qu'elles ont eux-mêmes pleuré. Le fait que j'ai ému des inconnus jusqu'aux larmes me touche. C'est pourquoi je savoure chaque moment. Mais ce n'est pas comme si ma vie avait changé lorsque je sors et que beaucoup de gens m'abordent.'

- Néanmoins, vous générez désormais plus d'attention, est-ce que vous parvenez à gérer cela?

'La journée dure toujours 24 heures, et l'entraînement sera toujours le plus important. Mais cela fait partie du métier de prendre du temps pour les rendez-vous importants, et c'est ce que je fais. Bien sûr, on ne peut pas tout faire, il faut choisir. A cet égard, je suis content que mon management me soutienne et filtre les sollicitations. Car quand je fais quelque chose, je veux le faire correctement.'

- Lorsque vous repensez au titre de championne du monde, celui-ci vous semble-t-il encore un peu surréaliste ?

'J'ai trouvé intéressant que le fait d'en parler m'aide beaucoup à assimiler tout cela. En interview, tout remonte à la surface, mais je ne suis pas du tout à un point où c'est encore surréaliste. Mais bien sûr, ce sera toujours spécial, mais je ne me lève pas tous les jours en me disant: 'Bonjour, championne du monde'.'

- Que vous rappelez-vous de votre course ?

'Pas grand-chose. Je ne me souviens pas du tout des sept premières haies. Aux haies huit, neuf et dix, j'ai senti que ça se passait bien. J'ai entendu le speaker du stade - ce qui ne m'était encore jamais arrivé - crier: 'Kambundji est devant!'. Je me suis alors dit : 'OK, encore jusqu'à la ligne'. Après avoir franchi la ligne d'arrivée, j'ai à nouveau aucun souvenir, mais je n'étais pas sûre d'avoir gagné. Parfois, c'est drôle - quand j'y repense, je ne sais même pas si je me rappelle vraiment ou si je revois les images télévisées. Il se passe une quantité incroyable de choses en très peu de temps.'

- Vous avez pulvérisé votre record suisse en finale et réalisé un temps de 12''22, la 7e meilleure performance de tous les temps. Pensiez-vous qu'un tel temps était possible ?

'Je dois dire que oui, je pensais que c'était possible de gagner et je savais que pour cela il fallait réaliser un temps proche de 12''20. La différence entre cette saison et la précédente, c'est que j'ai réussi à garder une bonne constance. J'atteignais régulièrement les 12''40, 12''50, mais il y avait toujours quelque chose qui ne collait pas. Lors de la dernière compétition avant les Mondiaux, au Weltklasse de Zurich, j'ai couru en 12''40 tout en butant sur la dernière haie.'

- Vous aviez donc une grande confiance en vous?

'Oui. Cette saison, il est devenu évident pour moi que j'avais le potentiel pour performer. De plus, le fait que la concurrence était extrêmement forte m'a aidé. Je savais qu'il n'y avait pas une ou deux personnes qui dominaient. Au contraire, il y en avait beaucoup qui étaient très rapides, et j'en faisais partie.'

- Cette force mentale vous a-t-elle été transmise pour ainsi dire à la naissance, car votre sœur Mujinga répond aussi présente lorsque cela compte ?

'Dans mon cas, il est vrai que la nervosité ne m'a jamais paralysée, mais plutôt tirée vers le haut. Même plus jeune, j'étais capable de canaliser la tension lors des compétitions. La majeure partie repose cependant sur l'expérience au fil des courses. J'ai découvert ce qui fonctionne le mieux pour moi: je dois être calme et concentrée. Certes, j'ai déjà collaboré avec une psychologue du sport, mais je ne consulte pas à intervalles réguliers.'

- L'expérience de Mujinga a dû aussi vous aider, non?

'J'ai surtout pu profiter de l'environnement qu'elle a mis en place. Bien sûr, avec des compléments spécifiques, comme par exemple Claudine (Müller, son entraîneuse), mais je n'ai pas eu besoin de mettre en place une structure de base.'

- Après votre titre de championne du monde, vous êtes restée au Japon. Quelle était l'importance de digérer tout cela loin de chez vous ?

'A postériori, c'était une bonne chose de ne pas rentrer tout de suite. Cela m'a permis de prendre de la distance. Mais j'étais contente de rentrer à la maison et de voir ma famille. Plus tard, je suis aussi allé en Écosse, où c'était aussi très agréable.'

- De manière générale, quelle est la meilleure façon de vous reposer ?

'En passant du temps avec ma famille et mes amis. En outre, beaucoup de choses m'intéressent en dehors du sport.'

- A savoir?

'Ça change toujours un peu. En ce moment, je fais beaucoup de couture, j'ai commencé au début de l'année. J'aime beaucoup cuisiner et jardiner. Et puis je suis un rat de bibliothèque.'

- Les résultats montrent que l'entraînement fonctionne. Voyez-vous malgré tout des possibilités d'optimisation ?

'Absolument, je n'ai que 23 ans. Le plus important pour la saison prochaine est de parvenir à une constance à un niveau encore plus élevé. Ces dernières années, j'ai acquis une bonne base, maintenant nous pouvons aller beaucoup plus dans les détails - travailler le départ, les quatre dernières haies. Là, il y a toujours quelque chose à gagner. Pour cette année, la finale des championnats du monde était la course parfaite, mais pas celle de ma vie.'

- A quel point est-il réaliste pour vous de battre un jour le record du monde, qui est encore à douze centièmes de votre record?

'C'est très réaliste, mais il faut d'abord le faire, et je ne veux pas me mettre trop de pression. Mais si j'avais exclu que je puisse devenir championne du monde, je ne l'aurais peut-être pas été. L'important est que je ne me suis jamais fixé de limite, ce serait d'ailleurs un message que je transmettrais aux enfants.'

- Pour finir, c'est bientôt Noël, que souhaitez-vous?

'Rien de spécial, je me réjouis simplement de Noël comme chaque année. Je suis curieuse de savoir qui m'a tirée au sort (rires)!'

/ATS