Trois morts en Syrie dans une manifestation d'alaouites
Un homme blessé dans les heurts entre Alaouites et contre-manifestants à l'hôpital.
Photo: KEYSTONE/AP/Omar AlbamAu moins trois personnes ont été tuées dimanche en Syrie. Des milliers d'alaouites ont manifesté dans plusieurs villes du pays contre une attaque meurtrière visant cette minorité musulmane.
La communauté alaouite, une branche de l'islam chiite dont est issu le président déchu Bachar al-Assad, est la cible d'attaques depuis qu'une coalition islamiste a pris le pouvoir à Damas fin 2024.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), basé au Royaume-Uni et disposant d'un vaste réseau de sources dans le pays, les forces de l'ordre ont tué deux personnes en dispersant une manifestation dans la ville côtière de Lattaquié, dans l'ouest du pays.
L'agence officielle Sana, citant les services de santé, a ensuite fait état d'un bilan de 'trois décès et 60 blessés'.
'Maîtrisé la situation'
Les autorités n'ont de leur côté pas confirmé avoir ouvert le feu sur la foule, mais ont dit avoir 'maîtrisé la situation' et ont accusé des partisans de l'ancien président Bachar al-Assad d'avoir attaqué la foule.
'Nos forces de sécurité et les manifestants ont été la cible de tirs d'origine inconnue', a déclaré le général Abdel Aziz al-Ahmad, chef de la sécurité dans la région.
Des correspondants de l'AFP ont vu des policiers intervenir en tirant des coups de feu en l'air, pour tenter de ramener le calme.
'Oppression' dénoncée
Le dignitaire Ghazal Ghazal, président du Conseil islamique alaouite en Syrie et à l'étranger, a accusé les autorités d'avoir attaqué 'des civils non armés' exerçant leur 'droit légitime' et dénoncé 'l'oppression' des autorités.
Outre Lattaquié, des échauffourées entre manifestants et partisans des autorités ont eu lieu à Jablé, également situé sur la côte méditerranéenne.
La situation était également tendue à Homs, d'après l'OSDH qui a fait état de plusieurs blessés. C'est dans cette ville du centre du pays qu'a eu lieu vendredi l'attentat contre une mosquée qui a fait huit morts, pendant la prière.
'Nous ne soutenons pas Assad... Pourquoi cette tuerie?', s'interroge Numeir Ramadan, un marchand de 48 ans, venu manifester à Lattaquié.
Pour 'un fédéralisme politique'
Le chef spirituel alaouite avait lancé cet appel à manifester pour 'montrer au monde que la communauté alaouite ne peut pas être humiliée ou marginalisée', après un rassemblement similaire fin novembre.
'Nous ne voulons pas d'une guerre civile, nous voulons un fédéralisme politique. Nous ne voulons pas de votre terrorisme. Nous voulons décider de notre propre destin', avait commenté M. Ghazal. Son visage s'affichait dimanche sur des photos brandies par la foule, qui a entonné des chants appelant à davantage d'autonomie.
'Notre première revendication est le fédéralisme afin de mettre fin au bain de sang. On nous tue parce que nous sommes alaouites', déplore Hadil Saleh, femme au foyer de 40 ans.
Groupuscule extrémiste sunnite
Saraya Ansar al-Sunna, un groupuscule extrémiste sunnite peu connu, a revendiqué l'attentat de vendredi sur Telegram, jurant de poursuivre les attaques ciblant 'les infidèles et apostats', en référence aux minorités.
En mars, des massacres sur le littoral avaient fait plus de 1700 morts, essentiellement des alaouites, après des affrontements entre forces de sécurité et partisans de Bachar al-Assad, selon l'OSDH. Une commission nationale d'enquête avait recensé au moins 1426 morts, pour la plupart des civils.
Craintes des minorités
Dimanche, les manifestants ont par ailleurs réclamé la libération de détenus issus de la communauté alaouite.
Selon la télévision d'Etat syrienne, 70 d'entre eux ont été remis en liberté il y a deux jours 'après qu'il a été prouvé qu'ils n'étaient pas impliqués dans des crimes de guerre', et d'autres libérations sont attendues.
La prise du pouvoir par Ahmad al-Chareh, ancien jihadiste de 42 ans, a renforcé les craintes des minorités syriennes.
Les autorités multiplient les gestes pour rassurer sur leur capacité à pacifier et réunifier le pays après une guerre civile de plus de 13 ans mais ont rejeté leur demande de la mise en place d'un système fédéral.
/ATS