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Afghanes: l'ONU cible des droits au plus bas « depuis des décennies »

01.07.2022 12h43

Afghanes: l'ONU parle de droits au plus bas "depuis des décennies"

La Haute commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Michelle Bachelet demande aux talibans une "date ferme" pour l'accès à l'éducation de toutes les Afghanes dans leur pays (archives).

Photo: KEYSTONE/MARTIAL TREZZINI

Les Afghanes font face 'au recul le plus significatif et rapide' de leurs droits 'depuis des décennies', selon l'ONU. La Haute-commissaire aux droits de l'homme a appelé vendredi à Genève les talibans à établir une 'date ferme' pour l'accès des filles à l'éducation.

'La responsabilité nous revient à tous' pour obtenir des changements rapides, a affirmé Michelle Bachelet au début d'un débat urgent sur les droits des femmes afghanes au Conseil des droits de l'homme. Dans un discours salué ensuite par la Chilienne, la premier femme à avoir été vice-présidente du Parlement afghan, Fawzia Koofi, a fait de cette question une condition de sécurité pour toute la communauté internationale.

Il faut passer des 'belles déclarations aux actes', a-t-elle dit. Et cette activiste des droits humains d'estimer que la situation actuelle des femmes afghanes est 'désastreuse', dénonçant une société qui les discrimine. Des filles de neuf ans sont même parfois vendues par leur famille qui fait face à d'importantes difficultés.

Tout dialogue avec les talibans doit mettre les droits des femmes au centre, a ajouté de son côté Mme Bachelet. Comme Mme Koofi, elle demande que les travailleuses humanitaires soient associées aux décisions sur l'assistance à la population.

Les Afghans qui se sont exprimés vendredi devant le Conseil ont lancé quelques revendications. Mme Koofi souhaite que la Mission de l'ONU en Afghanistan (MANUA) justifie son action devant cette instance. Opposé aux talibans, l'ambassadeur Nasir Andisha a lui demandé des mécanismes de collecte et de préservation des preuves de violations. 'Il en va de la crédibilité' du Conseil que celui-ci étende sa surveillance, selon lui.

Rejet par les talibans

Mme Bachelet a à nouveau déploré que les islamistes n'aient pas honoré leurs engagements auprès d'elle en mars dernier, en violation de leurs obligations internationales. 'Nous voyons progressivement une exclusion des femmes et des filles' de la société, ajoute-t-elle.

Elle appelle à s'appuyer sur les ouvertures garanties par certains dirigeants dans des régions du pays. De même, les talibans doivent dialoguer avec les Etats musulmans qui ont 'de l'expérience' en matière de droits de femmes, dit Mme Bachelet. Une délégation musulmane s'est rendue récemment en Afghanistan pour parler avec eux.

Avant le débat urgent, devant une assemblée de dignitaires à Kaboul à laquelle aucune femme ne participait, le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, avait appelé la communauté internationale à cesser de 'se mêler' des affaires afghanes. Il a encore estimé que l'application de la loi islamique était indispensable pour son pays.

La réunion de vendredi au Conseil avait été demandée par des Etats européens qui condamnent 'la détérioration significative' des droits des femmes depuis le retour au pouvoir des talibans en août dernier. L'instance onusienne doit se prononcer sur un projet de résolution la semaine prochaine.

Appel à un dialogue

Devant les Etats, la Haute-commissaire a à nouveau ciblé vendredi une 'oppression systématique institutionnalisée'. Malgré leurs promesses, notamment auprès de la Suisse, les talibans n'ont toujours pas garanti un accès à l'éducation à toutes les jeunes filles. Ils doivent établir 'une date ferme', ajoute Mme Bachelet.

Récemment dans le pays, le rapporteur spécial de l'ONU Richard Bennett, qui ne s'exprime pas au nom de l'organisation, a affirmé que les talibans lui ont dit avoir établi un comité pour réfléchir à la question sans pour autant qu'un engagement soit encore pris.

Les femmes se sont vu imposer le port du voile intégral et ne peuvent se déplacer ou travailler que de manière restreinte. L'insécurité alimentaire affecte plus de 90% des ménages qu'elles dirigent.

'La situation des femmes et des filles se détériore', a ajouté de son côté l'ambassadeur suisse auprès de l'ONU à Genève Jürg Lauber. Il a à nouveau 'fermement' condamné toutes les différentes restrictions qui ont pu être décidées contre elles.

Aussi selon Mme Bachelet, l'ONU mène des efforts pour établir un dialogue direct entre les talibans et les femmes. La Haute-commissaire demande aux islamistes d'accepter ce format. Les mécanismes indépendants pour recevoir des plaintes sur les violences sexistes doivent être rétablis pour poursuivre les responsables, selon elle.

/ATS